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Révision du fédéralisme belge et soutenabilité budgétaire : des implications à ne pas négliger [ Article 20110324 - 24/03/2011]

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La crise a accru le risque d’insoutenabilité des finances publiques[1] en Belgique comme dans d’autres pays : le creusement du déficit structurel, la hausse de la dette et l’importance du coût du vieillissement démographique rendent indispensable une politique de restauration de la soutenabilité. Dans cette étude, le BFP examine les conséquences que pourrait avoir la réforme du fédéralisme budgétaire[2] belge actuellement en discussion sur le défi que représente la mise en place d’une telle politique par les autorités.


[1]Insoutenabilité des finances publiques: situation dans laquelle, en l’absence d’assainissement budgétaire ou de réformes, le taux d’endettement public risque d’augmenter démesurément dans le futur.

[2]Fédéralismebudgétaire : répartition entre les différents niveaux de pouvoir des compétences budgétaires, fiscales et des moyens financiers.

  • La question de la soutenabilité à long terme des finances publiques est peu évoquée dans le débat politique actuel. Pourtant, elle est indissociable de la réforme du fédéralisme belge si cette réforme modifie la répartition des pouvoirs budgétaires entre le niveau fédéral et les entités fédérées.
  • La restauration de la soutenabilité budgétaire globale sera rendue plus difficile si la réforme réduit le pouvoir fiscal et les marges de manœuvre budgétaires du niveau fédéral au profit des entités fédérées, tout en lui laissant l’intégralité de son déficit, de sa dette et des coûts budgétaires du vieillissement.
  • Or, il est vital pour l’ensemble des agents économiques du pays que la crédibilité financière du niveau fédéral, qui est l’émetteur de la quasi-totalité de la dette publique, lui permette de couvrir ses besoins de financement considérables à des taux d’intérêt raisonnables.
  • Préserver la capacité d’améliorer la soutenabilité globale des finances publiques impliquerait que le transfert aux entités fédérées d’une masse budgétaire donnée s’accompagne du transfert de l'effort d'assainissement que le niveau fédéral aurait dû faire proportionnellement à cette masse budgétaire, si elle était restée de sa compétence.
  • L’étude du BFP montre que, suivant ce principe, par milliard d’euros de budget correspondant aux compétences transférées aux entités fédérées, le financement devrait être limité, à terme, à 800 millions d’euros, soit un taux de sous-financement de 20%.
  • La question du partage des efforts d’assainissement avec les entités fédérées ne pourra que revenir à l’avant-scène à court terme. En effet, pour avril, les autorités européennes demandent à la Belgique un Programme de stabilité détaillant les contributions de chaque niveau de pouvoir à l’assainissement budgétaire des prochaines années.
  • A l’avenir, la responsabilité finale des objectifs budgétaires assignés par les autorités européennes à la Belgique ne pourra plus être assurée par le seul pouvoir fédéral amputé d’une part significative de pouvoirs budgétaires. Un « Pacte de stabilité interne » devrait être établi pour coordonner la prise en charge conjointe du pilotage des finances publiques par tous les niveaux de pouvoir.

La régionalisation d’une partie de la fiscalité est à l’ordre du jour, de même que la question du transfert de certains budgets aux entités fédérées. Le débat politique fait une large place aux thèmes de la responsabilisation des entités fédérées, de leur l’autonomie, de la solidarité interrégionale ou encore de la cohérence des paquets de compétences des différents niveaux de pouvoir.

Par contre, la question de la soutenabilité budgétaire n’est que rarement évoquée. Peut-être parce qu’elle renvoie à l’engagement pris à l’égard des autorités européennes d’un retour à l’équilibre global des finances publiques en 2015, associé au volet socio-économique des négociations plutôt qu’au volet institutionnel. En réalité, la question de la soutenabilité budgétaire est pourtant indissociable de la réforme du fédéralisme belge si cette réforme modifie la répartition des pouvoirs budgétaires entre le niveau fédéral et les entités fédérées.

En 2009, le Conseil supérieur des Finances avait émis un Avis sur la contribution des entités fédérées à l’effort d’ajustement budgétaire requis pour la restauration de la soutenabilité à long terme. Cet Avis, préconisait l’accumulation progressive de surplus budgétaires dans les entités fédérées au motif que la concentration de l’effort d’assainissement au sein du seul pouvoir fédéral serait irréaliste. Aucune entité fédérée n’a cependant manifesté l’intention d’aller au-delà de l’équilibre budgétaire.

La question du partage des efforts d’assainissement ne pourra que revenir à l’avant-scène à court terme puisque la Belgique devra remettre un Programme de stabilité aux autorités européennes pour avril. Conformément aux procédures de surveillance des budgets nationaux ‑ renforcées suite à la crise des dettes publiques ‑, ce Programme de stabilité devra détailler par niveau de pouvoir la trajectoire budgétaire envisagée pour le retour à l’équilibre de l’ensemble des administrations publiques.

En matière de soutenabilité, la situation belge est fortement dissymétrique : le problème de soutenabilité budgétaire affecte principalement le niveau fédéral (pouvoir fédéral et sécurité sociale), et très peu les entités fédérées (communautés et régions).

Premièrement, le déficit public est principalement logé dans le pouvoir fédéral. Le retournement conjoncturel de 2008-2009 a contribué à ce déficit, mais il en a aussi révélé le caractère structurel, masqué auparavant pas des bonis conjoncturels et le produit d’opérations one-shot.

Deuxièmement, le pouvoir fédéral est l’émetteur de la quasi-totalité de la dette publique belge. Historiquement, les transferts de compétences aux entités fédérées ne se sont pas accompagnés du transfert d’un pro rata de dette publique correspondante. De plus, la dette du pouvoir fédéral résulte aussi de la forte augmentation des transferts de moyens à la sécurité sociale.

Troisièmement, le niveau fédéral supporte l’essentiel des coûts budgétaires croissants liés au vieillissement démographique. La sécurité sociale est en première ligne, mais c’est le pouvoir fédéral qui en subit, en fait, la plus grande partie, via la prise en charge de la quasi-totalité du financement des pensions de la fonction publique (y compris des entités fédérées) et de l’accroissement des dépenses de soins de santé, financé par un mécanisme spécifique de transfert de ressources vers la sécurité sociale. En outre, le pouvoir fédéral est garant du financement de la hausse attendue des dépenses de pension des régimes des salariés et des indépendants.

Pour une administration publique, la capacité de faire face à son déficit et d’honorer sa dette dépend de son pouvoir fiscal ‑ c’est-à-dire du pouvoir d’opérer des prélèvements obligatoires sur une assiette d’imposition suffisamment large ‑ et de sa capacité de procéder à des réaménagements au sein de ses dépenses.

Une redistribution des pouvoirs budgétaires en faveur des entités fédérées, impliquant une réduction du pouvoir fiscal du niveau fédéral et de sa taille budgétaire[1], mais en lui laissant l’intégralité de son déficit, de sa dette et des coûts budgétaires du vieillissement, compliquerait considérablement l’assainissement budgétaire nécessaire à la restauration de sa soutenabilité budgétaire et au maintien de sa crédibilité financière indispensable au maintien de taux d’intérêt raisonnables sur les emprunts publics, ce qui est vital pour l’ensemble des agents économiques du pays.

Cette crédibilité est rendue encore plus nécessaire par les opérations de sauvetage des banques en 2008-2009. Comme le mentionne la Cour des Comptes dans son rapport de décembre 2010 : « En ce qui concerne les risques pour l’évolution future des finances publiques, il convient de remarquer que les garanties octroyées par l’État aux institutions financières suite à la crise financière restent, du fait de leur ampleur, un facteur important d’incertitude pour l’évolution future des finances publiques. Les engagements que l’État belge a pris dans le cadre du plan de sauvetage de la Grèce et de l’élaboration d’un mécanisme de stabilisation pour la zone euro ont récemment apporté une nouvelle dimension à ce facteur d’incertitude ».

Préserver la capacité d’améliorer la soutenabilité globale des finances publiques impliquerait d’en faire assumer une partie du défi par les entités fédérées, et ce au pro rata de l’augmentation du pouvoir fiscal et de la taille budgétaire de celles-ci suite à la réforme de l’Etat. Autrement dit, le transfert aux entités fédérées d’une masse budgétaire devrait s’accompagner du transfert de l'effort d'assainissement que le niveau fédéral aurait du faire proportionnellement à cette masse budgétaire, si elle était restée de sa compétence.

Suivant ce principe par milliard d’euros de budget correspondant aux compétences transférées aux entités fédérées, le financement transféré devrait être limité, à terme, à 800 millions d’euros, soit un taux de sous-financement de 20%, ce compte tenu des perspectives d’évolution des finances publiques à politique inchangée. Une autre possibilité réside, au moins partiellement, dans le financement progressif par les entités fédérées des pensions de leur propre personnel.

Ce calcul suppose que les budgets de la sécurité sociale pourront être mis à contribution, avec donc la participation des partenaires sociaux qui la cogèrent, afin de rétablir la soutenabilité budgétaire. Dans le cas contraire où le seul budget de l’autorité fédéral devrait assumer ce rétablissement, le taux de sous-financement des transferts de compétences aux entités fédérées devraient excéder nettement les 20%.

Le coût budgétaire pour les entités fédérées d’un sous-financement de 20% dépend donc de l’ampleur des transferts de compétences. Pour des transferts de l’ordre de 10 milliards d’euros, par exemple, ce coût est certainement non négligeable mais reste néanmoins, en proportion de la taille budgétaire des entités fédérées, trois à quatre fois moindre que l’assainissement qui resterait à faire au niveau fédéral en proportion de sa taille budgétaire.

Le déplacement du pouvoir budgétaire vers les entités fédérées a une autre implication : jusqu’ici, il a toujours été considéré que la responsabilité finale des objectifs budgétaires assignés par les autorités européennes à la Belgique était assuré par le pouvoir fédéral. A l’avenir, cette vision des choses, même si elle reste d’application de jure, ne sera plus réaliste de facto. Il est nécessaire de réviser les mécanismes de coordination entre niveaux de pouvoir devant assurer la prise en charge conjointe du pilotage des finances publiques dans le cadre des obligations européennes de la Belgique. La nécessité d’un tel « Pacte de stabilité interne » devrait être envisagée rapidement, et ses modalités définies. Ce Pacte interne devra concerner les institutions budgétaires et leur fonctionnement, les règles qui déterminent les objectifs pluriannuels de chaque entité et leur cadrage macroéconomique. Il s’agit d’une condition nécessaire pour garantir la soutenabilité globale des finances publiques.



[1]
La taille budgétaire d’un niveau de pouvoir peut être mesurée, par exemple, par le total de ses dépenses hors charges d’intérêt et hors dépenses de financement d’autres niveaux de pouvoir.

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