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Quel niveau de concurrence dans les branches d’activité en Belgique ? [ Article 015 - 09/02/2023]

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Des estimations des mark-ups sont réalisées pour les différentes activités du secteur marchand en Belgique sur les périodes 1997-2008 et 2009-2020. Le mark-up permet d’évaluer l’intensité de la concurrence dans un secteur. Plus il est élevé, plus la concurrence est faible et donc, plus les entreprises sont capables de générer des profits économiques au détriment des consommateurs. Nos résultats montrent que la concurrence est, en moyenne, plus faible dans les services que dans l’industrie manufacturière. Au sein de l'industrie manufacturière, les variations des mark-ups sont assez limitées dans le temps et entre activités. L'industrie pharmaceutique enregistre toutefois un mark-up relativement élevé. Au sein des services, les variations des mark-ups sont plus marquées. Trois secteurs – les activités financières et d’assurance, la production et distribution d’électricité et de gaz et les télécommunications – présentent des mark-ups élevés sur la période récente à la suite d’une forte augmentation.

Pas de profit économique en cas de concurrence parfaite...

En situation de concurrence parfaite[1] sur un marché, le prix de vente d’un produit est égal au coût de production de la dernière unité produite, appelé coût marginal. En effet, tant que le prix reçu par le producteur est supérieur au coût marginal, il en retire un bénéfice et les quantités offertes augmentent. Par contre, si le prix est inférieur au coût marginal, le producteur limite la perte en réduisant les quantités offertes. L’équilibre est donc atteint quand le coût marginal égale le prix de vente.

A long terme, les profits économiques des entreprises concurrentielles tendront vers zéro car tant que des profits existent, de nouvelles entreprises sont tentées d’entrer sur le marché. Ce n'est que lorsque les revenus totaux et les coûts totaux des entreprises sont équilibrés que cette incitation disparaît.

Bien entendu, le fait qu'il n'y ait pas de profit économique n'implique pas que les entreprises ne réalisent pas de bénéfices. Le rendement de l’investissement doit en effet compenser l’investisseur pour le risque pris et pour toutes les opportunités d’utilisation des fonds auxquelles il a renoncé (consommation ou autres investissements) en choisissant d’investir dans une entreprise.

…mais en pratique la concurrence n’est jamais parfaite

En réalité, les marchés ne correspondent jamais (totalement) à cet idéal théorique. Souvent, le nombre d’entreprises sur un marché est limité, par exemple parce que l’entrée est difficile et/ou coûteuse. Ou bien les consommateurs ont, par exemple, une préférence pour une version particulière d’un produit fabriquée uniquement par une entreprise, qui ne peut être que partiellement remplacée par d’autres variétés. Un producteur peut disposer de plus d’informations sur la qualité ou la valeur de son produit que ses clients ou ses concurrents. Dans tous ces cas, les entreprises peuvent être en mesure de fixer leur prix au-dessus du coût marginal : elles disposent d’un certain pouvoir de marché vis-à-vis des consommateurs et de leurs concurrents (potentiels).

Les écarts entre le prix et le coût marginal peuvent donner une idée de la concurrence au sein des branches d’activité

Le mark-up correspond (généralement) au rapport entre le prix de vente et le coût marginal. Plus il est élevé, plus les entreprises ont un pouvoir de marché et donc plus la concurrence dans le secteur est faible. Le mark-up n’est pas directement observable. La méthode de Roeger que nous utilisons[2] pour l’estimer repose sur des hypothèses assez restrictives[3], ce qui signifie que les résultats doivent être interprétés avec prudence. Ils fournissent néanmoins une certaine indication et permettent de faire une comparaison entre les activités et dans le temps.

De grandes différences entre l’industrie manufacturière et les services marchands

Dans le but d’analyser les mark-ups au niveau sectoriel, nous avons appliqué la méthode de Roeger aux données de la base EU-KLEMS sur la période 1997-2020. Nous avons ensuite agrégé les résultats de chaque branche d’activité en calculant une moyenne des mark-ups[4] pour l’industrie manufacturière d’une part, et pour les services marchands d’autre part. Ces derniers excluent les activités immobilières et de recherche et développement, mais ils incluent les industries de réseau et la construction[5]. Les résultats pour l’économie et pour chaque groupe d’activité sur l’ensemble de la période sont présentés au graphique 1. La ligne horizontale sur ce graphique désigne la valeur théorique de 1 correspondant au mark-up en situation de concurrence parfaite.

Pour l’économie marchande, le mark-up obtenu sur la période d’étude est de 1,24. Cette valeur cache toutefois une différence de mark-up entre les deux groupes d’activité. En effet, avec une valeur de 1,28, les services ont, en moyenne, un mark-up plus élevé que celui de l’industrie manufacturière dont la valeur est de 1,16. Quel que soit le groupement considéré, les mark-ups obtenus sont donc strictement supérieurs à 1. Ainsi, bien que la concurrence parfaite ne caractérise aucun des deux groupes, les services ont tendance à avoir un pouvoir de marché plus élevé que celui des industries manufacturières.

L’existence d’un pouvoir de marché plus élevé dans les services que dans les activités manufacturières a aussi été constatée par Christopoulou et Vermeulen (2008). Elle s’explique notamment par le fait que les industries manufacturières sont plus exposées à la concurrence internationale que les services. De plus, les services sont généralement plus différenciables. Aussi, les services marchands incluent les industries de réseau qui sont souvent caractérisées par un niveau de concentration élevé dû à la présence de barrières à l’entrée. 

L’hétérogénéité du degré de concurrence existe aussi à l’intérieur de chaque groupe d’activité[6]. Dans l’industrie manufacturière, hormis l’industrie pharmaceutique qui a obtenu une valeur de 1,54, la valeur du mark-up varie entre 1,05 et 1,24 en moyenne sur la période 1997-2020. Avec une valeur autour de 1,06, la cokéfaction et le raffinage, l’industrie automobile et les matériels de transport et l’industrie alimentaire, boissons et tabac enregistrent les mark-ups les plus faibles. Pour les services, les mark-ups obtenus varient entre 1,14 et 1,49. Parmi les services ayant les mark-ups les plus élevés, il y a la production et distribution d’électricité et de gaz, les télécommunications, ainsi que les activités financières et d’assurance.

Par ailleurs, les tests économétriques indiquent que les mark-ups sont toujours significativement strictement supérieurs à 1. Cela signifie que la concurrence parfaite n’est observée dans aucune des branches d’activité considérées dans cet article[7]. Par conséquent, aussi bien globalement qu’individuellement, les branches d’activité sont toutes caractérisées par l’existence d’un pouvoir de marché.

Une stabilité des mark-ups dans les activités manufacturières…

Afin de montrer l’évolution des mark-ups à travers le temps, nous avons divisé la période d’étude en deux sous-périodes : 1997-2008 et 2009-2020 et estimé les mark-ups pour chaque sous-période. Les résultats sont présentés aux graphiques 2 et 3 respectivement pour les industries manufacturières et pour les services. Sur chacun des deux graphiques, les barres en bleu désignent la valeur du mark-up pour la période 2009-2020 alors que les barres en orange désignent la valeur correspondant à la période 1997-2008. 

Dans l’industrie manufacturière, les mark-ups sont restés assez stables. En effet, mise à part la fabrication d’équipements électriques qui a enregistré une diminution du mark-up de 0,11, les autres industries n’ont connu que des variations nulles ou marginales.

... mais une hausse des mark-ups dans certains services

Dans les services, les variations de mark-up sont aussi limitées dans la majorité des cas. Néanmoins, à l’inverse des industries manufacturières, certains services ont enregistré d’importantes augmentations de leur pouvoir de marché au cours du temps. C’est notamment le cas des activités financières et d’assurance (+0,41), de la production et distribution d’électricité et gaz (+0,24), des télécommunications (+0,18), et de la publicité et études de marché ; autres activités spécialisées, scientifiques et techniques, activités vétérinaires (+0,12).

En conclusion, si aucun des secteurs marchands analysés n’opère en situation de concurrence parfaite, le degré de concurrence observé varie fortement.

L'industrie manufacturière se caractérise globalement par une concurrence plus forte que celle des services. En dehors de l'industrie pharmaceutique, qui enregistre un mark-up élevé, il y a peu de variation entre les branches industrielles. Les mark-ups sont aussi assez stables dans le temps. Au sein des services, les variations sont plus marquées. Trois secteurs – les activités financières et d’assurance, la production et distribution d’électricité et gaz et les télécommunications – présentent des mark-ups élevés sur la période récente suite à une forte augmentation de leur pouvoir de marché d’une période à l’autre.

 

[1]      La concurrence parfaite est, entre autres, caractérisée par : un grand nombre d’offreurs et de demandeurs de taille réduite et équivalente, un produit homogène, la liberté d’entrée et de sortie sur le marché, une information parfaite des agents économiques, une flexibilité des facteurs de production.

[2]      Il s’agit d’une méthode économétrique (Roeger, W., 1995, “Can Imperfect Competition Explain the Difference between Primal and Dual Productivity Measures? Estimates for U.S. Manufacturing”. Journal of Political Economy 103(2), pp. 316-330.) qui a été approfondie par Christopoulou & Vermeulen (Christopoulou, R. & Vermeulen, P., 2008, “Markups in the Euro Area and the US over the period 1981-2004: a comparison of 50 sectors”. Working Paper Series 856, European Central Bank, Frankfurt am Main).

[3]      Rendements d’échelle constants, flexibilité parfaite des facteurs de production, absence de coûts fixes.

[4]     Il s’agit d’une moyenne pondérée où les pondérations sont définies comme la part de la production sectorielle dans la production totale en 2020.

[5]     Dans le reste de cet article, nous gardons la même classification. Autrement dit, dans les services, nous incluons aussi les industries de réseau et la construction.

[6]     Les résultats obtenus dépendent du niveau d’agrégation retenu (38 branches d’activité). Des variations de la concurrence peuvent exister à l’intérieur d’une même branche (voir la publication « Fonctionnement des marchés en Belgique » de l‘Observatoire des prix).

[7]     Les tests économétriques indiquent que la valeur de mark-up égale à 1 correspondant à la situation de concurrence parfaite n’est pas incluse dans l’intervalle de confiance construit grâce à la méthode de Bootstrap pour le mark-up de chaque secteur d’activité.

 

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