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Comme prévu par la loi, le Bureau fédéral du Plan (BFP) publie, 30 jours avant la date des élections, le chiffrage de trois à cinq priorités, déclinées en plusieurs mesures, sélectionnées de leur programme électoral par les treize partis actuellement représentés à la Chambre. L’ensemble des résultats est disponible sur le site web www.dc2019.be.
Après dix semaines d’échanges bilatéraux intenses entre le BFP et chacun des partis concernés, ceux-ci ont communiqué au BFP le 11 avril la liste définitive de leurs mesures. Certaines mesures proposées initialement par les partis politiques n’ont toutefois pas pu être reprises dans le chiffrage pour des raisons techniques imposées par les limites des modèles sollicités. Par conséquent, le paquet de mesures retenu peut, dans certains cas, apparaître plus déséquilibré que ce qui a été proposé par le parti et il appartient donc à celui-ci de communiquer à ce sujet. Soulignons que la non-prise en compte d’une mesure n’implique en aucun cas un jugement de valeur de la part du BFP par rapport à sa pertinence ou à l’opportunité de sa mise en oeuvre.
Pour toutes les mesures retenues, le chiffrage se déroule en deux phases distinctes. La première vise à valider l’estimation de l’impulsion budgétaire fournie pour chaque mesure par les partis politiques. Cette impulsion budgétaire correspond à l’impact positif ou négatif d’une mesure sur les finances publiques avant qu’elle produise ses effets retour. Lorsque le BFP a été dans l’incapacité technique de valider le montant, l’estimation budgétaire fournie par le parti a simplement été reprise dans la suite de l’exercice. Cette absence de validation est clairement signalée dans les tableaux présentant les mesures de chaque parti.
Dans un deuxième temps, le BFP a analysé, au moyen de ses modèles, les effets des mesures sur une série d’indicateurs clés comme la croissance économique, l’emploi, les finances publiques, le pouvoir d’achat des différents groupes de revenus, la mobilité et le système électrique. Concrètement, deux scénarios sont comparés : un scénario de référence, c’est-à-dire qui n’inclut pas les mesures proposées par le parti, et un scénario alternatif qui inclut cette fois ces mesures. L’impact des mesures sur un indicateur correspond donc à l’écart entre les résultats des deux scénarios. Les résultats de l’analyse d’impact présentés sont ceux obtenus non pas par mesure individuelle mais pour l’ensemble des mesures du parti qui entrent en ligne de compte selon les spécificités du modèle utilisé. En effet, à l’exception des effets macroéconomiques à court-moyen terme, toutes les mesures n’ont pas pu être évaluées pour chaque domaine.
Cette première édition inclut au total 314 mesures couvrant soixante priorités soumises par les treize partis représentés à la Chambre. Plus de 500 simulations ont été réalisées avec nos modèles, étant donné que certaines mesures ont été évaluées à l’aide de plusieurs modèles. Comme précisé plus haut, les effets de certaines mesures n’ont pu être chiffrés, d’autres mesures ont été retirées par les partis et, pour d’autres encore, plusieurs variantes ont été estimées à la demande des partis politiques.
Ainsi, les effets de près de 25 mesures ont, en moyenne, été chiffrés par parti. Toutefois, le nombre de mesures chiffrées pour chaque parti varie fortement : il a été inférieur à 10 pour trois partis, alors qu’à l’autre extrémité, il a dépassé 40 pour trois autres partis.
S’agissant du nombre de mesures par domaine, les ‘Prélèvements sur les revenus des ménages’, la ‘Protection sociale’ (y compris les soins de santé) et les ‘Investissements’ occupent les premières places du podium. Ces trois domaines représentent ensemble plus de la moitié (54%) de toutes les mesures chiffrées. Dix partis politiques baissent les prélèvements sur les revenus des ménages (via l’impôt des personnes physiques), tandis qu’un même nombre de partis renforcent la protection sociale (allocations sociales, en ce compris les dépenses de soins de santé). Sept partis diminuent les cotisations patronales et un même nombre de partis augmentent les investissements et les frais de fonctionnement des administrations publiques. Enfin, cinq partis relèvent l’impôt des sociétés et un même nombre de partis accroissent les impôts indirects.
Les effets de l’ensemble des mesures ont été chiffrés avec le modèle macrobudgétaire HERMES. Les effets redistributifs de pratiquement un quart des mesures ont été chiffrés au moyen du modèle EXPEDITION. Les modèles QUEST, TYPECAST et HINT, quant à eux, ont chacun été sollicités pour près de 10% des mesures. Le nombre de mesures chiffrées avec les modèles PLANET et CRYSTAL SUPER GRID est moindre, mais compte tenu de la technicité de ces mesures, plusieurs sessions ont souvent été nécessaires pour traduire les idées des partis en données pour les modèles.
Les effets macroéconomiques sur la durée de la législature de la totalité des mesures retenues par parti sont présentés par rapport au scénario de référence que constitue la version préliminaire des “Perspectives économiques 2019-2024” publiée à la mi-février 2019 sur le site du BFP. Nous montrons ci-dessous les résultats par parti pour cinq indicateurs afin d’illustrer les arbitrages potentiels entre ceux-ci. Les résultats du scénario de référence pour ces cinq indicateurs sont repris pour mémoire en bas du tableau.
Notons d’emblée que le nombre très inégal de mesures par parti, ainsi qu’une grande hétérogénéité dans leur ampleur, ne facilite pas la comparaison des résultats.
Les partis qui enregistrent les plus importantes améliorations en matière de croissance économique, de revenu disponible réel des particuliers et de créations d’emploi sont également ceux dont, à des degrés divers, le solde budgétaire se dégrade le plus et le taux d’endettement public augmente le plus. À cet égard, signalons que la méthodologie utilisée ne prévoit aucun impact d’une modification du taux d’endettement sur les taux d’intérêt belges car ce lien est difficile à modéliser et varie dans le temps. De plus, aucune contrainte n’est imposée en cas de non-respect des règles budgétaires européennes. Par conséquent, la détérioration des variables de finances publiques indique surtout que le parti devra prévoir, dans son programme, des mesures additionnelles permettant de financer celles retenues ici, ce qui aura évidemment également des répercussions macroéconomiques. L’apparition éventuelle de pénuries dans des segments spécifiques du marché du travail (régions, métiers, qualifications) n’est pas non plus prise en compte dans les résultats. Enfin, signalons que, si le solde budgétaire et le ratio d’endettement public s’améliorent quelque peu par rapport au scénario de référence pour quelques partis, les mesures chiffrées ne permettent en aucun cas, vu l’ampleur du déficit à politique inchangée, de retourner à l’équilibre budgétaire à l’horizon 2024.
Sept des treize partis ont soumis des mesures dites “structurelles” réparties sur les domaines de la recherche et le développement dans le secteur privé et des investissements publics. Leurs effets macroéconomiques sont estimés à l’horizon 2040 en imposant la stabilité du ratio dette publique sur PIB à l’aide d’un impôt forfaitaire compensatoire. Ces résultats montrent qu’il est possible de développer des politiques de croissance qui ne sont pas trop onéreuses pour les finances publiques à long terme. Il reste toutefois le défi d’assurer leur financement à court terme en l’absence de marges budgétaires.
Le pouvoir d’achat des ménages peut être influencé aussi bien par des mesures agissant directement sur leur revenu disponible nominal que par des mesures exerçant un effet sur les prix. Dans le cadre du chiffrage, nous étudions, pour ces deux canaux séparément, si l’effet d’une mesure varie en fonction de certaines caractéristiques des ménages.
L’impact sur le revenu disponible nominal est calculé dans le modèle EXPEDITION sur la base de données administratives. Par conséquent, la notion de revenu disponible nominal englobe les revenus du travail, les revenus de remplacement et les allocations d’aide sociale, après déduction des cotisations et impôts grevant ces revenus, mais pas les revenus de la propriété.
Au final, 71 mesures ont été soumises à un chiffrage de leur impact sur le revenu disponible nominal par douze partis et 30 autres à une estimation de leurs effets sur les prix par neuf partis.
Environ la moitié des mesures dont l’impact sur le revenu disponible nominal a été simulé se rapportent à des adaptations dans les domaines de l’impôt des personnes physiques et des cotisations personnelles de sécurité sociale. Cet ensemble de mesures peut encore être subdivisé en trois groupes : celles qui portent sur le relèvement de la quotité exemptée d’impôt et sur l’adaptation des taux marginaux pour le calcul de l’impôt des personnes physiques, celles qui ont trait à l’adaptation des bonus à l’emploi social et fiscal et celles qui visent à adapter le régime fiscal des voitures- salaires.
Les autres mesures ayant un impact direct sur le revenu disponible relèvent du domaine de la protection sociale. Là aussi, on distingue plusieurs groupes de mesures : certaines portent sur le relèvement des allocations les plus faibles au niveau du seuil de pauvreté, d’autres sur l’augmentation de certaines pensions (surtout les minima), d’autres encore sur la réforme du régime des chômeurs complets indemnisés et le dernier groupe sur la limitation de l’accès à certains régimes de protection sociale sur la base de conditions de résidence.
En ce qui concerne les effets redistributifs, on constate que les mesures proposées par six partis génèrent un net gain en termes de montants nominaux mensuels qui augmente en fonction des moyens financiers des ménages. Chez ces partis, les déciles les plus élevés gagnent donc davantage que les déciles les plus faibles. Mais derrière ce constat se cachent des profils de gain sensiblement différents entre ces six partis, comme l’illustre le graphique ci-après. Parmi les autres partis, deux se caractérisent par un profil nettement dégressif des montants nominaux mensuels des ménages.
La plupart des mesures chiffrées entraînent une hausse du revenu disponible, mais pas toutes naturellement. Ainsi, les propositions d’adaptation du régime des voitures-salaires, de réduction de certaines allocations et de limitation de l’accès à certains régimes de protection sociale entraînent une baisse du revenu disponible des ménages concernés.
En ce qui concerne les mesures modifiant les prix de biens et services spécifiques, on examine dans quelle mesure certains groupes de la population sont, en raison de leurs modes de consommation, plus ou moins touchés par les hausses ou baisses de prix, en ayant à l’esprit que les salaires et allocations seront adaptés (sur base de l’indice santé et avec un certain retard) à l’évolution du coût de la vie.
Comme l’illustre le graphique ci-dessus, l’impact des mesures modifiant les prix qui ont fait l’objet d'un chiffrage est généralement distribué de manière inégale entre les différentes classes de revenu. Une majorité de partis proposent des mesures ayant un impact à la baisse sur le niveau général des prix et ce sont les classes de revenu les plus faibles qui bénéficient généralement le plus de ces baisses de prix.
Pour certains cas-types, nous avons également chiffré quel serait le revenu disponible en cas d’inactivité (pour un bénéficiaire du revenu d’intégration sociale, un chômeur après 1 mois de chômage et après 18 mois de chômage) et en cas d’emploi à temps plein. La différence entre les deux statuts donne une indication de l’incitation financière au travail. Les mesures qui font davantage augmenter les allocations que le revenu dans une situation d’emploi à temps plein amoindrissent cette incitation financière au travail. En revanche, les mesures qui font davantage augmenter le revenu d’un emploi que les allocations en cas d’absence d’emploi produisent l’effet inverse.
Les effets de mesures spécifiques sur la mobilité ont été chiffrés pour six partis (CD&V, Ecolo, Groen, PS, sp.a et VB). Dans cet exercice, seules les mesures en matière de mobilité ayant un impact sur le prix du transport et sur le trafic ont pu être prises en compte. Les effets d’investissements en infrastructures de transport (routes, rail, etc.) sur la mobilité n’ont pu être chiffrés, faute d’instruments disponibles. Les effets les plus notables sur la mobilité sont observés au niveau des mesures d’Ecolo, Groen et du sp.a. Ces trois partis formulent des propositions visant à supprimer progressivement le régime fiscal avantageux des voitures- salaires. Groen et le sp.a souhaitent en outre introduire une redevance kilométrique intelligente ou un péage aux heures de pointe pour le transport routier et supprimer le remboursement des accises sur le diesel professionnel pour le transport de marchandises. Les mesures proposées par les partis entraînent, à des degrés divers, un transfert modal pour le transport de personnes, de la voiture vers les transports en commun et les modes de déplacement actifs (vélo et marche). Par ailleurs, elles génèrent à la fois des gains de temps de déplacement (suite à l’augmentation de la vitesse moyenne du transport de personnes et de marchandises sur route) et des retombées positives pour l’environnement (grâce à la baisse des émissions de gaz à effet de serre et de polluants locaux).
Des mesures ayant une incidence sur la composition du parc de production électrique en 2030 ont été étudiées pour quatre partis. Trois d’entre eux (PP, VB et N-VA) souhaitent revoir la sortie du nucléaire prévue en 2025. La proposition du PP (maintien de quatre réacteurs nucléaires au-delà de 2025, en plus du développement de la capacité de production renouvelable et des centrales au gaz prévu dans le scénario de référence) débouche, du point de vue de la sécurité ’approvisionnement, sur une surcapacité de production électrique, si bien que la Belgique devient même exportatrice nette d’électricité. Les problèmes de sécurité d’approvisionnement relevés dans les résultats du VB s’expliquent par le fait que, malgré le maintien prolongé de trois réacteurs nucléaires et d'importants nouveaux investissements dans le photovoltaïque, la capacité de production installée fiable disponible pour remplacer l’ensemble des centrales au gaz que ce parti souhaite supprimer est insuffisante. La N-VA propose une substitution plus modérée du gaz par le nucléaire (le prolongement de la durée de vie opérationnelle de deux réacteurs nucléaires remplace, en 2030, une capacité de production de 2GW à partir du gaz) qui donne des résultats équilibrés du point de vue de l’approvisionnement. Enfin, Groen s’inscrit dans la sortie du nucléaire à l’horizon 2025 et opte pour davantage de capacité de production renouvelable (en sus de ce qui est déjà prévu dans le scénario de référence) : ses mesures prévoient plus de photovoltaïque et d’éolien (tant sur terre qu’en mer). Les propositions de ces deux derniers partis (respectivement avec et sans nucléaire) entraînent à la fois une baisse des coûts de production et des surplus du consommateur. Les surplus totaux du producteur sont similaires pour les deux partis, mais le surplus du producteur découlant de la proposition de la N-VA profite, dans une très large mesure, à l’exploitant nucléaire, tandis que le surplus du producteur découlant de la proposition de Groen est réparti sur un grand nombre de producteurs d’électricité renouvelable.
Par le biais d’une analyse indépendante et uniformisée, le chiffrage objective les résultats et crée plus de transparence. Il vise à rendre les propositions formulées dans les programmes électoraux plus réalistes et à limiter les querelles de chiffres peu pertinentes. Il permet donc d’alimenter le débat de société mais ne formule aucun jugement de valeur.
Le chiffrage a néanmoins des limites. Les priorités et mesures des partis peuvent être très différentes et par conséquent limiter les possibilités de comparaison. En outre, les mesures proposées doivent nécessairement correspondre aux domaines de recherche du BFP et le chiffrage est principalement opéré à l’aide de modèles qui, eux-mêmes, sont une représentation simplifiée de la réalité. Enfin, les effets de mesures décrivant une “véritable rupture avec le passé” ne peuvent, faute d’une base analytique et empirique solide, être valablement estimés par le BFP. Ces mesures n’ont dès lors pas été reprises dans le chiffrage.
Remarquons également que les résultats ne sont pas évalués par rapport aux objectifs européens budgétaires, climatiques ou sociaux que la Belgique s’est engagée à respecter.
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