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Voitures automatisées : utopie ou dystopie ? [ Article 009 - 12/07/2021]

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Si la conduite automatisée des voitures peut apporter des avantages importants en termes de sécurité routière, ne soyons pas aveugles devant les autres effets : l'automatisation à part entière est susceptible d’accroître le trafic automobile, principalement pour les déplacements autres que le motif domicile-lieu de travail, et partant, d’entraîner de nouvelles baisses de la vitesse sur route dans les zones qui sont déjà les plus congestionnées.

Quels sont les enjeux ?

Il y a moins de deux décennies, la conduite de véhicules routiers était considérée comme hors de portée de l’informatique. Vers 2010 toutefois, les progrès combinés de la technologie des capteurs et de l’intelligence artificielle ont changé les règles du jeu. D'une part, un nombre sans cesse croissant de nouveaux modèles de voitures ont intégré une automatisation partielle et une connectivité accrue (soit la capacité de « communiquer » avec l'infrastructure et les autres véhicules). D'autre part, certaines entreprises ont lancé à grande échelle des essais sur le terrain de voitures entièrement autonomes.

Même si toutes les initiatives n'ont pas tenu leurs promesses, les sociétés doivent réfléchir aux conséquences possibles d'une automatisation à part entière du parc automobile. Certains spécialistes des transports pensent que les implications potentielles de l'automatisation sont énormes, étant donné l'émergence combinée de l'électrification des véhicules, de l'automatisation et de la mobilité partagée (à la demande), et l'interaction entre les trois.

Cet article présente les résultats des premières simulations effectuées avec PLANET, le modèle national belge de projection de la demande de transport développé par le Bureau fédéral du Plan. La question clé abordée ici est la suivante : si le parc automobile belge était entièrement composé de voitures autonomes, quelles seraient les conséquences pour la demande globale de transport de passagers et la congestion routière ? Étant donné que l’impact final est fonction de nombreux paramètres, dont l’évolution future reste très incertaine, cette analyse constitue avant tout un exercice technique destiné à mieux comprendre les mécanismes en jeu et à se faire une idée de l'ordre de grandeur des effets.

Pourquoi l'automatisation des voitures influerait-elle sur la mobilité ?

Les répercussions susmentionnées résultent de changements attendus pour trois paramètres utilisés dans le modèle PLANET, par suite de l’automatisation du parc.

Premièrement, les voitures autonomes devraient améliorer la fluidité du trafic, par exemple grâce à leur temps de réaction plus court (par rapport aux conducteurs humains), des intervalles plus courts entre les véhicules, une réduction du nombre d'accidents, une meilleure répartition du trafic sur le réseau, une meilleure synchronisation avec les feux de signalisation et une plus grande stabilité des flux de circulation.

Deuxièmement, dans les voitures entièrement automatisées, les humains n'auront plus besoin de prêter attention au trafic et pourront consacrer leurs déplacements au travail ou aux loisirs. Ils n'auront plus l'impression que leur temps de déplacement est « perdu » (ou, du moins, moins perdu que lors d'un trajet en voiture où ils doivent concentrer toute leur attention sur la conduite). Pour représenter l'importance de la perte de temps ressentie par les personnes lors de leurs déplacements en voiture, on utilise le concept de valeur du temps (VOT) : une VOT de 1 euro par heure, par exemple, signifie que les personnes seraient prêtes à payer jusqu'à 1 euro pour réduire leurs déplacements d'une heure. Des études montrent que la VOT associée aux déplacements en voiture varie de 9 euros par heure pour les déplacements de loisirs à 31,2 euros par heure pour les déplacements professionnels. Si le temps perdu en voiture est moins un souci, la VOT diminue et les déplacements en voiture deviennent plus attrayants.

Troisièmement, l'automatisation complète devrait entraîner des changements dans le coût monétaire du transport en voiture. Trois composantes des coûts monétaires sont concernées : le coût d'achat des voitures, l'efficacité énergétique et les coûts d'assurance :

  •  Les coûts d'achat augmenteront car l'automatisation et la connectivité des véhicules nécessitent des investissements dans des équipements supplémentaires, notamment des LIDAR et des caméras vidéo pour surveiller l'environnement des véhicules, des capteurs à ultrasons pour surveiller les objets proches, des capteurs d'odométrie pour mesurer la distance, des fonctions de connectivité pour échanger des informations avec d'autres voitures ou infrastructures, des systèmes informatiques embarqués, etc.
  • L'impact sur l'efficacité énergétique consiste en l'effet net de deux forces contraires. D'une part, des flux de circulation plus fluides et l'éco-conduite automatisée sont susceptibles d’améliorer la consommation d'énergie par kilomètre. D'autre part, les équipements supplémentaires nécessaires à l'autonomie et à la connectivité exigeront des véhicules une énergie auxiliaire plus élevée et pourraient modifier l'aérodynamique des véhicules. Si l'automatisation amène à passer plus de temps en voiture, la demande d'éléments de confort et de commodité (tables, lits, stations d'accueil) augmentera, ce qui entraînera une augmentation du poids du véhicule – et donc de sa consommation d'énergie.
  • De même, deux forces contraires déterminent l'impact de l'automatisation sur les primes d'assurance. D'une part, l'automatisation des véhicules peut entraîner une amélioration radicale de la sécurité routière, notamment à des niveaux de pénétration élevés (et a fortiori en cas d’automatisation complète du parc). D'autre part, les véhicules automatisés seront vraisemblablement plus chers, ce qui entraîne une augmentation de la valeur à assurer.

Comment l'automatisation des voitures va-t-elle influer sur le système de mobilité en Belgique ?

Dans un premier temps, l'impact de chaque changement de paramètre est étudié isolément (c’est-à-dire en maintenant les autres paramètres constants). Dans un deuxième temps, les effets de la combinaison des deux derniers paramètres sont exposés.

Premièrement, la fluidification des flux de trafic augmente l’attrait de la voiture et, partant, accroît la demande de transport en voiture, certes modérément à l’échelle nationale (tout au plus 1% environ). L'amélioration de la fluidité du trafic prédomine par rapport l'augmentation du trafic automobile, et la vitesse moyenne des voitures sur le réseau routier belge augmente de 1,5 %. Ce très faible impact s’explique principalement par le fait que près des deux tiers du trafic en Belgique n’est pas fortement congestionné. Il est peu probable que l'amélioration des flux de circulation dans les zones ou périodes du jour à faible trafic modifie la demande de voitures particulières. Toutefois, ce faible impact à l’échelle nationale masque des changements non négligeables dans certaines zones spécifiques. Par exemple, dans certaines zones très congestionnées (les environs de Bruxelles et d'Anvers, par exemple), la vitesse augmente d'environ 5 à 10 % (par rapport à des vitesses moyennes inférieures à 60 km/h dans un scénario sans automatisation des voitures). 

Deuxièmement, la diminution du coût du temps (et donc du coût généralisé des déplacements en voiture) entraîne une augmentation du nombre de véhicules-kilomètres en voiture d'environ 18 à 23 % par rapport à un scénario sans automatisation des voitures. Cette évolution provoque une chute de la vitesse sur route dans les zones les plus congestionnées - jusqu'à -37 % dans la zone délimitant le réseau express régional autour de Bruxelles (par rapport à une vitesse de 56 km/h dans un scénario sans automatisation des voitures). 

Pour l'analyse de l'impact de l’évolution de coûts monétaires, plusieurs hypothèses doivent être formulées. En tablant sur une augmentation de 20 % du prix d'achat des voitures, sur une diminution de 50 % des coûts d'assurance et sur une diminution de 10 % de la consommation d'énergie par kilomètre, on voit que la baisse de la consommation d'énergie par kilomètre compense toujours l'augmentation du coût d’achat, et les coûts monétaires moyens diminuent. Cette diminution des coûts monétaires des déplacements en voiture entraîne une augmentation de la demande de déplacements en voiture. Pris isolément, cet effet reste relativement modeste, une augmentation globale d'environ 2 % par rapport à un scénario sans automatisation des voitures.

Bien que l'impact d'une diminution des coûts du temps et l'impact d'une diminution des coûts monétaires soient relativement faibles, l'effet combiné des deux diminutions est plus important, comme expliqué ci-après. Les incidences sur la demande de transport par motif de déplacement sont résumées dans le tableau 1 pour les voitures particulières, et dans le tableau 2 pour tous les autres modes de transport (transports publics, motos, marche, vélo).

L'impact de l'automatisation sur les passagers-kilomètres est indiqué pour une VOT de 6 euros par heure (c'est-à-dire inférieure à celle d'un scénario sans automatisation des voitures), en combinaison avec la diminution en pourcentage des coûts monétaires mentionnée ci-dessus. La demande totale de transport augmente de maximum 12,8 milliards de passagers-kilomètres par an : d’une part, la demande totale de transport en voiture progresse de 19,8 milliards de passagers-kilomètres par an ; d’autre part, la demande pour les autres modes de transport diminue de 7 milliards de passagers-kilomètres. Nous pouvons comparer ce résultat à une demande de transport de 162,7 milliards de passagers-kilomètres par an dans un scénario sans voitures à conduite autonome (dont 133,6 milliards pour le transport par voiture, plus 29,1 milliards pour le transport par les autres modes). L'augmentation de la demande de transport en voiture dépasse donc largement la diminution de la demande de transport adressée aux autres modes.

Pour les motifs de déplacement « école » et « études », la faible augmentation de la demande de transport en voiture est entièrement compensée par une diminution des passagers-kilomètres des autres modes : il s'agit purement d'un transfert modal, sans aucune demande de transport induite. On observe une légère augmentation nette de la demande de transport pour les motifs « travail » et « déplacements professionnels », mais la majeure partie de la demande de transport induite concerne les « autres motifs » (tels que les achats, les loisirs, les visites familiales), où l'augmentation de la demande de transport en voiture est beaucoup plus importante que la diminution des déplacements par d'autres modes.

Les effets sur la vitesse des modes routiers sont très variables. Aux heures de pointe, la vitesse moyenne sur le réseau express régional autour de Bruxelles diminue de 28 %, par rapport à une moyenne de 56 km par heure dans le scénario de référence. Toutefois, en dehors des zones les plus congestionnées (Bruxelles et la zone du réseau express régional, Anvers, Gand), la diminution de la vitesse des voitures ne dépasse pas 5 % par rapport au scénario de référence sans automatisation des voitures.

Quels autres éléments peuvent également jouer un rôle ?

Bien sûr, cette première analyse d'impact repose sur certaines hypothèses simplificatrices – mais de nombreux éléments qui ne sont pas pris en compte dans l'analyse amènent à conclure que l'augmentation des volumes de trafic devrait même être plus importante.

Par exemple, les voitures autonomes peuvent induire une nouvelle demande par des groupes de la population qui ne sont pas en mesure de conduire, comme les enfants et les personnes à mobilité réduite. La baisse du coût de la conduite est également susceptible d'entraîner la relocalisation des ménages et des entreprises, et partant, un étalement urbain ou la création de nouveaux centres.

L'automatisation des véhicules peut également rendre le car sharing plus attrayant. En effet, le car sharing ne sera plus limité par la nécessité de disposer de voitures à proximité du client, car les véhicules partagés autonomes se rendront eux-mêmes chez le client. Le partage des véhicules automatisés permettrait également de répartir les coûts fixes entre une clientèle plus large, rendant l'automatisation plus attrayante. En d'autres termes, l'automatisation et le car sharing sont deux forces d'innovation en matière de mobilité qui sont susceptibles de se renforcer mutuellement.

L'augmentation du car sharing devrait réduire le besoin d'espace de stationnement, mais pourrait également engendrer des déplacements supplémentaires, car les véhicules vides en attente de nouveaux clients se repositionneront d'eux-mêmes. En outre, même en l'absence de car sharing formel, l'automatisation complète pourrait déboucher sur une augmentation importante des relocalisations, par exemple parce que l'automatisation offre la possibilité de repositionner une même voiture pour assurer simultanément plusieurs déplacements par les membres de la même famille. De même, dans les zones où les parkings sont peu nombreux (ou coûteux), les propriétaires pourraient envoyer leur voiture vers une place de stationnement libre dans un périmètre donné ou la laisser circuler jusqu'à ce qu'elle soit appelée.

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