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Nouvelle évaluation de l’aide publique en faveur de la recherche et du développement en Belgique [ Article 014 - 22/11/2022]

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Il ressort d’une nouvelle évaluation de l’aide publique à la R&D en Belgique que les subventions octroyées par les trois Régions et la dispense fédérale partielle de précompte professionnel pour les chercheurs ont contribué à accroître les dépenses de R&D en Belgique. Les résultats sont moins positifs pour un certain nombre d’incitants que les autorités fédérales octroient via l’impôt des sociétés. Étant donné que ces incitants fiscaux représentent la majeure partie du coût budgétaire de l’aide publique à la R&D, qui est en rapide augmentation, l'efficience de l'aide pourrait être accrue.

La Belgique est l’un des sept États membres de l’UE à avoir atteint l'objectif de la stratégie Europe 2020 en matière d'investissements dans la recherche et le développement (R&D). Il ressort d’une nouvelle évaluation de l’aide publique à la R&D en Belgique que les subventions octroyées par les trois Régions et la dispense fédérale partielle de précompte professionnel pour les chercheurs ont certainement contribué à accroître les dépenses de R&D en Belgique. Ces avantages incitent en effet les entreprises à investir davantage dans la R&D. Les résultats sont moins positifs pour un certain nombre d’incitants que les autorités fédérales octroient via l’impôt des sociétés. Étant donné que ces incitants fiscaux représentent la majeure partie du coût budgétaire de l’aide publique à la R&D, qui est en rapide augmentation, l'efficience de l'aide pourrait être accrue si elle était plafonnée par entreprise, comme le montre également une étude internationale.

La Belgique a atteint l’objectif Europe 2020 pour la R&D

En 2020, les dépenses totales pour la recherche et le développement (R&D) ont atteint, en Belgique, 3,48 % du PIB. La Belgique dépasse ainsi largement l’objectif de 3 % visé par la stratégie Europe 2020. Ce chiffre est légèrement biaisé par une baisse du PIB (le dénominateur de l’intensité de R&D) en 2020, suite au Covid-19. Il n’empêche que la Belgique a enregistré depuis 2010 une des plus fortes progressions de l’intensité de R&D[1] de l’UE. Le graphique 1 montre que les dépenses nationales totales en R&D en % du PIB (DIRD : dépenses intérieures brutes de R&D) ont commencé à augmenter fortement et de manière assez continue à partir de 2006, alors qu’elles avaient baissé entre 2002 et 2005.

Il ressort du graphique 1 que cette hausse s’explique presque entièrement par une progression des dépenses de R&D dans le secteur des entreprises (DIRDE : dépenses de R&D des entreprises).

Aide publique substantielle à la R&D en Belgique

Vu la faible intensité de R&D en 2005 (voir graphique 1), le gouvernement fédéral a introduit plusieurs incitants fiscaux à partir de 2005 pour stimuler les activités de R&D des entreprises et atteindre l’objectif de la stratégie Europe 2020 dans le domaine. Ces incitants fiscaux sont venus s’ajouter à l’aide directe à la R&D des entreprises (principalement des subventions) que les trois Régions octroient depuis un certain temps déjà. Entre 2005 et 2007, quatre possibilités de dispense partielle de versement du précompte professionnel sur les salaires du personnel R&D ont été instaurées[1]. En 2018, une cinquième possibilité de dispense partielle de versement du précompte professionnel a été introduite pour les chercheurs titulaires de bacheliers spécifiques. Depuis 2020, le pourcentage de dispense pour les cinq mesures est de 80 %.

Outre ces avantages pour l’employeur, accordés sur les salaires des travailleurs par le biais de l’impôt des personnes physiques, plusieurs autres incitants ont également été octroyés dans le cadre de l’impôt des sociétés. A côté de la déduction fiscale ou d’un crédit d’impôt pour investissements en R&D, les entreprises ont pu bénéficier, à partir de 2008, d'une déduction fiscale de 80 % pour revenus de brevets. En 2016, cette déduction fiscale a été remplacée par une déduction fiscale de 85 % pour revenus d'innovation, conformément aux lignes directrices BEPS de l'OCDE et du G20 pour éviter l'évasion fiscale internationale par l'érosion de la base d’imposition ou le transfert de bénéfices. En 2021, la déduction fiscale pour revenus de brevets a été supprimée. La popularité des incitants fiscaux à la R&D auprès des entreprises a progressivement grandi et, partant, son coût budgétaire, comme illustré par le graphique 2.

La forte augmentation du coût budgétaire total des incitants fiscaux à la R&D depuis 2016 s'explique par la nette progression du coût budgétaire des incitants accordés par le biais de l'impôt des sociétés. En 2019, le coût budgétaire de l’ensemble des incitants fiscaux à la R&D octroyés aux entreprises a atteint 2,8 milliards d'euros. Comme le montre le graphique 1, l'augmentation de l'intensité de R&D des entreprises en Belgique coïncide avec l'introduction de divers incitants fiscaux à la R&D en leur faveur. Ce constat amène à se demander dans quelle mesure les incitants fiscaux ont contribué à accroître l'intensité de R&D et à atteindre l'objectif de R&D de la stratégie Europe 2020. Le Bureau fédéral du Plan a récemment finalisé une quatrième évaluation de l’aide publique à la R&D des entreprises en Belgique et s’est penché sur cette question (pour l’analyse détaillée, voir Dumont 2022). 

Certaines aides publiques à la R&D sont efficaces

Pour évaluer l’aide publique à la R&D en Belgique, nous utilisons la banque de données R&D Policy Mix qui apparie les données de diverses institutions fédérales et des trois Régions. Ces données nous permettent d’évaluer l'impact des aides publiques sur les dépenses de R&D des entreprises. La présente évaluation porte sur la période 2003-2019. Estimer la relation de cause à effet des aides publiques est rendu compliqué par l'(auto)sélection des entreprises et par d’autres problèmes statistiques. Nous avons eu recours à plusieurs méthodes d’estimation pour tenter, malgré ces problèmes statistiques, de tirer des conclusions robustes. Partant des coefficients estimés, on peut calculer un ‘Bang For The Buck (BFTB)’, lequel indique le montant de dépenses de R&D supplémentaires qu’une entreprise autofinance par euro d'aide publique reçue.

Le BFTB dans le graphique 3 est calculé en net de sorte qu’une valeur supérieure à 0 signifie que les entreprises financent elles-mêmes des dépenses en R&D, au-delà de l’aide publique qu’elles perçoivent (additionnalité). Tant pour les subventions régionales que pour les cinq mesures de dispense partielle de précompte professionnel, l’évaluation donne des indications statistiquement robustes que ces aides stimulent les entreprises à investir elles-mêmes davantage dans la R&D. S’agissant des quatre incitants octroyés dans le cadre de l'impôt des sociétés, l’additionnalité ne concerne que la déduction fiscale pour la R&D. Pour le crédit d’impôt et la déduction fiscale pour revenus de brevets, les indications d’additionnalité sont minces. On observe même des indications robustes d’effets d’éviction pour la déduction fiscale pour revenus d'innovation. Celle-ci a été introduite en 2016 en vue de remplacer la déduction fiscale pour revenus de brevets et a été évaluée pour la première fois dans le cadre de notre analyse.  Ces effets d’éviction traduisent le fait que des aides publiques sont utilisées pour financer des dépenses de R&D qui seraient également consenties en l’absence d’aide. En ce qui concerne le bonus à l'innovation, soit l’exonération totale des cotisations sociales sur les salaires des travailleurs qui soumettent une nouvelle idée à l'entreprise, l'évaluation conclut à un impact positif sur les dépenses en R&D. S’agissant du financement européen des projets de recherche (par l’intermédiaire des programmes-cadres de l’UE), on relève également des indications d’effets d’éviction.

Par ailleurs, l’évaluation montre aussi que lorsque les entreprises combinent différentes mesures d’aide, l’impact positif sur les dépenses de R&D diminue. Cela ne s’explique pas tellement par la combinaison des aides en soi, mais par la combinaison d’importants montants d’aide par un groupe restreint d’entreprises. Les effets positifs limités, voire négatifs, de certains incitants fiscaux accordés par le biais de l’impôt des sociétés sont surtout observés dans les grandes entreprises et les entreprises plus anciennes, les entreprises appartenant à des multinationales et les entreprises des branches très concentrées. L'évaluation montre clairement que l'impact de l’aide publique aux dépenses de R&D varie sensiblement entre les entreprises et les branches. Cette forte hétérogénéité indique qu’il serait opportun de cibler les aides publiques. Ceci peut toutefois s’opposer aux règles européennes sur les aides d'État, lesquelles interdisent en principe toute discrimination entre les entreprises. Mais un tel ciblage de l’aide peut s’appuyer sur le débat actuel sur la politique d'innovation axée sur les missions (les défis sociaux, environnementaux et économiques tels que le changement climatique et la transition énergétique, par exemples).

Les spillovers comme principal argument en faveur des aides publiques

La justification de l’aide publique aux entreprises pour leurs activités de R&D se fonde en grande partie sur l’hypothèse que ces activités ont des effets qui débordent (spillovers) sur le reste de l’économie. Si ces effets sont constatés, le rendement social de la R&D est plus important que le rendement de la R&D pour les entreprises individuelles. Et les autorités peuvent tenter d’inciter, par des subventions ou avantages fiscaux, les entreprises à investir davantage dans la R&D qu'elles ne le feraient en l’absence d’aide publique.

Il n’est toutefois pas évident d’estimer l’impact de la R&D financée par des fonds publics sur la production des entreprises qui perçoivent l'aide (impact direct) et sur la production d'autres entreprises (spillovers). Selon des arguments théoriques, également confirmés par des recherches empiriques, les activités de R&D des entreprises peuvent également avoir des effets négatifs sur d'autres entreprises, par exemple en raison d'imitations (« business stealing ») ou en cas de course aux brevets.

L’évaluation présente différentes estimations de l'impact direct de la R&D sur les entreprises qui la mènent ainsi que de l'impact indirect de la R&D sur d'autres entreprises (spillovers), en distinguant les différentes aides publiques. La R&D financée par les entreprises mêmes et, davantage encore, la R&D financée par des subventions ont des effets positifs sur un certain nombre d'indicateurs de production (notamment la productivité et le chiffre d'affaires). Cela vaut aussi, quoi que dans une légère moindre mesure, pour les incitants fiscaux octroyés par le biais de l’impôt des sociétés. Dans le cas de ces derniers, il convient toutefois de noter qu'ils ne peuvent être sollicités que par des entreprises bénéficiaires et des entreprises dont les activités de R&D antérieures ont généré des revenus. S’agissant plus particulièrement de la déduction pour revenus de brevets et de la déduction pour revenus d'innovation, plus les revenus sont élevés, plus l’incitant fiscal est important, ce qui complique les conclusions concernant l'"impact" des avantages sur la production.

Certaines estimations montrent que les activités de R&D des entreprises combinant différentes mesures d’aide ont des effets de spillover positifs sur d'autres entreprises de la même branche. Cependant, ces retombées sont relativement limitées. Par ailleurs, d’autres estimations mettent en évidence que la R&D a des répercussions négatives sur d’autres entreprises. De surcroît, les entreprises domestiques qui n'appartiennent pas à un groupe multinational ne semblent pas bénéficier des activités de R&D d'autres entreprises. En raison des nombreuses difficultés à estimer les impacts direct et indirect de la R&D sur la production des entreprises, il convient d'interpréter les résultats avec la prudence nécessaire.

L’efficience des avantages fiscaux peut être améliorée

La nouvelle évaluation fournit des indications raisonnablement solides qui montrent que deux des trois principaux groupes d'aides publiques (les subventions et la dispense partielle de versement du précompte professionnel sur les salaires du personnel de R&D) stimulent les entreprises à investir davantage dans la R&D qu’elles ne le feraient en l’absence d’aide publique et, partant, ont contribué à ce que la Belgique atteigne l’objectif Europe 2020 pour la R&D. Le fait que les mesures d'aide les moins efficaces[1] pour stimuler la R&D, à savoir trois des quatre incitants fiscaux accordés dans le cadre de l'impôt des sociétés, représentent la majeure partie du coût budgétaire des aides publiques en progression rapide, tend à montrer qu’il existe une marge pour améliorer l’efficience des incitants fiscaux à la R&D en Belgique. Le graphique 4 montre que le problème se situe manifestement au niveau des entreprises qui reçoivent le montant total le plus élevé d'aides. Le graphique présente les coefficients estimés de l'impact des aides pour les trois principaux groupes, par décile (10 %) d'entreprises, classées en fonction du montant total des aides publiques (toutes mesures d'aide confondues).

Tous déciles confondus, les mesures de dispense partielle semblent avoir les effets les plus marqués, et les incitants liés à l'impôt des sociétés, les effets les plus faibles. Pour les trois principaux groupes d’aide publique, l'impact diminue clairement à mesure que le montant total des aides augmente. S’agissant de la dispense partielle et des subventions régionales, l’impact reste positif pour tous les déciles. Dans le cas des incitants liés à l'impôt des sociétés, l'impact est également positif pour huit déciles. Les effets d’éviction pour ces incitants semblent surtout s’expliquer par l’impact sur les 20 % des entreprises ayant perçu l’aide publique totale la plus élevée. Ce résultat montre qu’il est possible d'accroître l'efficience des incitants fiscaux en introduisant un plafond sur les aides publiques reçues et, plus spécifiquement, sur le montant total des incitants accordés par le biais de l'impôt sur les sociétés (à l'exclusion des déductions fiscales pour les investissements en R&D). Une analyse de vingt pays de l'OCDE, dont la Belgique, révèle que les régimes d'incitation fiscale à la R&D qui plafonnent les montants des aides ou réduisent le taux d’aide une fois un certain seuil atteint, sont susceptibles de présenter une plus grande additionnalité (Appelt et al. 2020). 

Pour plus de détails, nous vous renvoyons au rapport disponible en anglais :

Dumont, M. (2022). Public Support to Business Research and Development in Belgium - Fourth evaluation. FPB Report 12721, Federal Planning Bureau.

Référénce

Appelt, S., M. Bajgar, C. Criscuolo and F. Galindo-Rueda (2020). The effects of R&D tax incentives and their role in the innovation policy mix: Findings from the OECD microBeRD project, 2016-19, OECD Science, Technology and Industry Policy Papers, No. 92, OECD Publishing, Paris.

[1]     Il s’agit des dépenses en R&D par rapport au PIB.

[2]     Une exonération partielle du précompte professionnel pour les chercheurs a également été introduite pour les universités, les hautes écoles et les instituts de recherche agréés.

[3]     Efficacité = capacité à atteindre les objectifs tandis que l’efficience tient compte des ressources mobilisées pour atteindre les objectifs.

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