Au cours des deux dernières décennies, les processus de production industriels ont été largement réorganisés dans des chaînes de valeur mondiales, par le biais de délocalisations et d’une plus grande fragmentation de la production. En raison des délocalisations, qui ont été favorisées par la baisse des coûts de coordination liée aux développements des technologies de l’information et de la communication, les entreprises importent de plus en plus de biens intermédiaires de l’étranger. Dans les économies développées, les délocalisations font craindre d’importantes pertes d’emplois. La plupart des études académiques n’ont cependant pas pu démontrer que les délocalisations – mesurées à travers les importations de biens intermédiaires – ont un impact négatif sur l’emploi.
La présente étude s’intéresse à un canal par lequel les délocalisations affecteraient malgré tout l’emploi mais qui, à ce jour, n’a pas encore été abordé dans la littérature. L'idée de départ est que les délocalisations pourraient avoir un impact important, non seulement sur l’entreprise qui délocalise, mais aussi sur d’autres entreprises domestiques qui font partie de la même chaîne de valeur. En effet, les entreprises qui décident de délocaliser importent désormais des biens intermédiaires, alors que précédemment, soit elles les produisaient localement elles-mêmes, soit elles les achetaient à des fournisseurs domestiques externes. Alors que les pertes d’emplois dues au premier cas ont été largement analysées, il n’existe pas d’étude prenant en compte le deuxième cas. Les fournisseurs domestiques en amont subissent un choc de demande négatif lorsque des entreprises en aval décident de les remplacer par des fournisseurs étrangers. Il est probable que ce choc négatif pèse sur l’emploi. Nous avons baptisé ce choc de demande « délocalisation en aval » et avons élaboré un indicateur pour mesurer son importance pour une entreprise d’une branche en amont. Cet indicateur tient compte du volume relatif des achats par les branches en aval des biens produits par l’entreprise et de l’intensité de délocalisation dans les branches en aval.